Avec près de 200 œuvres, souvent inédites ou rarement montrées, issues des collections publiques et privées, cette première rétrospective consacrée à l'œuvre d'Eugène Dodeigne se propose de faire redécouvrir un acteur essentiel de la scène artistique française de la seconde moitié du XXe siècle. Organisée une première fois en 2020 à La Piscine, l'exposition n'avait pu ouvrir ses portes au public à cause de la pandémie. Remontée exceptionnellement cet automne, avec une présentation repensée pour l'occasion et de nouveaux prêts, cette rétrospective est l'occasion unique de découvrir un portrait renouvelé de l'artiste, en reconsidérant son œuvre dans toute sa richesse. Né en Belgique en 1923, Dodeigne est rapidement naturalisé français alors que ses parents s'installent dans le Nord. Né sous le signe de la pierre, il est l'héritier d'une famille de tailleurs de pierre originaires de la région de Soignies. Ayant appris le métier dès l'âge de 13 ans auprès de son père marbrier, il manifeste des prédispositions, repérées à l'école des Beaux-Arts de Tourcoing puis à celle de Paris, qui le mènent au métier d'artiste. Il est rapidement soutenu à la fin des années 1940 par les grands collectionneurs régionaux, comme Jean Masurel et Philippe Leclercq. Représenté par les galeries roubaisiennes Dujardin et Renar, c'est à la galerie Marcel Evrard qu'il connaît ses premières expositions personnelles en 1952 et 1955. À partir de cette période, les expositions s'enchaînent et les oeuvres de Dodeigne sont plébiscitées à Paris, mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne. L'exposition vise à réévaluer certaines idées hâtives sur un artiste dont l'omniprésence dans l'espace public semble avoir gommé la complexité. Tailleur de pierres bleues – ces fameuses pierres de Soignies, ses « pierres d'éternité » – mais aussi de pierres d'Euville, de pierres volcaniques et de calcaires ; artisan et promoteur de la pierre éclatée, mais aussi amoureux de la pierre polie ; sculpteur de pierre mais aussi de bois, modeleur ainsi que bronzier ; sculpteur mais aussi dessinateur, peintre et graveur, architecte-bâtisseur et créateur de mobilier, photographe enfin, Dodeigne déroute. Tout à la fois éminemment classique que ce soit par sa filiation avec la sculpture médiévale ou celle de Rodin, Bourdelle, Zadkine ou BrâncuÈ™i, par son désir de continuer à ériger des statues et son attachement à la figure humaine, par son goût pour le travail enfin. Il est en même temps farouchement indépendant, suivant une voie singulière au sein de laquelle les œuvres procèdent tant de la nature que de l'artifice. Liées à leur environnement, les œuvres de Dodeigne portent la trace visible du geste et de l'outil car, comme il l'affirme, « la sculpture, d'abord, c'est abstrait. Ce sont des rapports de formes, des passages de lumière. » L'exposition retracera le parcours de celui qui, sa vie durant, pose la question du rapport de l'œuvre à l'espace, des plâtres et bois primitivistes des débuts aux réalisations monumentales conçues pour le plein air, la lumière et le vent. Tout à la fois l'un des plus grands sculpteurs de la seconde moitié du XXe siècle et l'un des moins connus dans son pays, Dodeigne est longtemps resté incompris des institutions françaises. Avec cet hommage, il s'agit de souligner combien l'apport de Dodeigne, cet homme du Nord, à l'art inscrit dans un territoire inspirateur, s'impose aujourd'hui.
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