Rencontre avec Isabelle Ullern, philosophe, qui dirige la réédition de Rue Ordener, rue Labat de Sarah Kofman chez Verdier.
La philosophe Sarah Kofman est une enfant de sept ans lorsqu'a lieu la rafle du Vél' d'Hiv'. Le 16 juillet 1942, la police se présente au domicile familial et arrête son père, rabbin d'une petite synagogue du 18e arrondissement de Paris – il ne reviendra jamais. _' De lui, il me reste seulement le stylo. Je l'ai pris un jour dans le sac de ma mère où elle le gardait avec d'autres souvenirs de mon père. Un stylo comme l'on n'en fait plus, et qu'il fallait remplir avec de l'encre. Je m'en suis servie pendant toute ma scolarité. Il m'a "lâchée" avant que je puisse me décider à l'abandonner. Je le possède toujours, rafistolé avec du scotch, il est devant mes yeux sur ma table de travail et il me contraint à écrire, écrire. '_ Commence alors cette période où la famille doit se cacher, se séparer. Pour la fillette, qui vivait tout dans la découverte permanente, c'est comme une épopée, dont l'envers est un déchirement : entre le domicile familial et le lieu de refuge, entre sa mère et la ' dame de la rue Labat ' – entre deux langues, deux mondes que sépare à peine une rue, un abîme pourtant. Grande lectrice et commentatrice de Nietzsche et Freud, Sarah Kofman (1934- 1994) enseignait la philosophie à la Sorbonne. Nourrie par la littérature et la psychanalyse, son oeuvre philosophique est traversée par la question des rapports entre la vie, la pensée et l'écriture. En 1994, quelques mois avant son suicide, elle publie Rue Ordener, rue Labat, son récit autobiographique d'enfant cachée.
|