Regarder autrement la nature à travers l'œil du photographe, telle est la proposition de Chaumont-Photo-sur-Loire. Cette 7e édition rassemble cinq artistes que l'attrait pour la nature a rendu témoins et magiciens, qu'ils aient décidé d'explorer le monde à la recherche des blessures que les humains lui infligent, d'effacer l'urbain ou les couleurs de la vie pour réaliser de véritables représentations picturales, ou encore de transformer le paysage en horizons mystérieux et captivants. Chacun d'eux se tient à l'orée d'un temps qu'il nous fait partager. Si chaque année Chaumont-Photo-sur-Loire est l'occasion pour nous d'attirer l'attention des visiteurs sur le caractère précieux et fragile de la nature, cette édition met l'accent sur la nécessité d'une prise de conscience rapide au niveau planétaire des dangers terrifiants qu'elle encourt, mais s'attache aussi à proposer des images propres à une contemplation heureuse, tant nous sommes persuadés que notre monde a besoin de paix et de beauté. Trouver un équilibre entre ces deux objectifs nous semble indispensable. Dans les Galeries hautes du Château, Edward Burtynsky présente une importante série d'images réalisées en Afrique. La nature de ce continent, que beaucoup continuent de croire préservée, y est malmenée. Les vues spectaculaires à l'esthétique irréprochables du Canadien nous mettent, sans en avoir l'air, face à de périlleuses réalités écologiques. Quand l'homme dépasse les bornes, Burtynsky en saisit la pleine mesure. Toujours au Château, Laurent Millet partage avec nous son expérience des forêts tropicales d'Indonésie. Subjugué par leur profusion, densité, luxuriance, verticalité, et impressionné par le sentiment d'être à la fois entouré et rejeté par elles, le photographe en livre des visions somptueuses inspirées des brocarts et des tissus importés d'Orient. C'est à un tout autre voyage que nous invite Letizia Le Fur, dans la Galerie du Porc-Épic. Ses images de Tahiti ne ressemblent à aucune autre. Les paysages, à la nature parfois oppressante, y perdent leurs chatoiements colorés. Le turquoise de la lagune, le vert de la forêt luxuriante, le rouge des hibiscus... toutes les couleurs disparaissent pour laisser notre regard plonger dans un monde flottant entre rêve et fiction. Dans la Galerie basse de l'aile Est, c'est toute la discrétion du monde que Nicolas Bruant met en avant. Laissant de côté la couleur pour un nuancier d'ombres et de clartés, le photographe dépasse ce que l'ordinaire nous donne à voir pour façonner une nouvelle réalité plastique. Habitué à photographier les femmes et les hommes croisés sur son chemin, il dévoile ici une nature insoupçonnée, révélée grâce à son seul regard. Dans un tout autre registre, les paysages enneigés de Jens Liebchen subjuguent eux aussi. Installées dans l'Asinerie, ils semblent dénués de toutes activités humaines. Pourtant, l'œil attentif décrypte peu à peu l'image. Tels des comédiens sur une scène, les arbres au contour subtilement dessinés par la lumière font oublier qu'ils se dressent en plein Tokyo. Délicate et ordonnée, la série s'inscrit d'emblée dans la tradition picturale japonaise mais nous dit également quelque chose de la société qui l'engendre. À l'intersection de ces cinq démarches s'inscrivent le temps et le silence. Le temps du voyage et de l'atelier, le silence de l'observation et de la création : deux ingrédients photographiques qui permettent autant de lectures singulières de cet environnement naturel qui nous est précieux, mais qui trop souvent nous indiffère. Apprendre à regarder, c'est déjà aimer. C'est commencer à prendre conscience et à respecter l'infinie beauté qui nous entoure.
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