'Si Ésope y avait pensé... ' (Platon, Phédon, 60 c 1) : Socrate et la composition de fables
Muthos et logos sont deux termes grecs dont la critique reprend souvent la dualité pour souligner soit leur valeur d'opposés soit leur complémentarité. Reste que, à l'époque classique, la valeur sémantique qui était la leur les rendait pratiquement synonymes : ce sont les termes qui sont, l'un et l'autre, le plus fréquemment utilisés pour désigner un genre de discours fictionnel : la fable. Nous en avons un témoignage clé dans le célèbre début du Phédon de Platon, où Socrate, en 60 c, se prend à composer une fable sur la douleur et le plaisir à la manière d'Ésope et affirme que, assurément, le fabuliste lui-même l'aurait écrite, s'il y avait pensé (cf. Phédon, 60 c 1 : ' Si Ésope y avait pensé... '). Au cours des dernières décennies, cette scène a été considérée comme programmatique en raison de la fonction conceptuelle et émotionnelle qu'elle occupe dans la formation de la figure idéale du philosophe face à la mort. Cette analyse s'articule autour de deux axes principaux : d'une part celui qui convoque la relation entre Ésope, Socrate et Apollon ; d'autre part, celui qui a trait au rapport mimétique qu'établit la prose platonicienne avec cette tradition narrative fictionnelle de sagesse orale. S'appuyant sur ces lectures, la communication se propose deux objectifs imbriqués entre eux : 1 / comparer la fable que compose le Socrate du Phédon avec un hypothétique corpus de fables qui auraient pu circuler à l'époque, pour voir jusqu'à quel point peut être dite ' ésopique ' cette fable qu'invente Socrate et qu'il attribue au fabuliste dans l'uchronie d'un : ' Si Ésope y avait pensé ' ; 2 / étudier la fonction rhétorico-syllogistique qu'Aristote, en Rhétorique, II, 20, 1393 b 8 - 1394 a 1, attribue à ce type de paradigme fictionnel afin de déployer la manière dont u03bcu1fe6u03b8u03bfu03c2 et u03bbu03ccu03b3u03bfu03c2 en viennent à former un continuum logique dans la construction du savoir grec.
|