Qui, mieux que l'incandescente Rocio Molina, pouvait donner chair au mot carnation ? Derrière les significations de toute nature, picturale, symbolique ou religieuse associées à ce terme, la chorégraphe espagnole traque un même motif : le désir. Secondée par le cantaor Nino de Elche, elle fait de ce puissant moteur de toute vie humaine l'objet et le motif d'une performance saisissante. La forme discontinue de la pièce, à laquelle participent également les musiciens et une soprano, répond au flux mouvant des états du corps. Dans un entrelacs de gestes complexes jaillissent des images archétypales entre force et fragilité, violence et tendresse, qui entrent en résonance avec notre présent. Emporté par cette quête tour à tour sacrée et profane, le spectateur entre en complicité intime avec les interprètes. Une fois encore, la radialement libre Rocío Molina, couronnée en 2022 du Lion d'argent de la Biennale de Venise, nous offre une danse à son image : entière et passionnée.
Isabelle Calabre
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