Trouvant sa dynamique motrice dans la musique sacrée de la Renaissance, In absentia transporte sur scène des œuvres liées aux rites funéraires – en particulier de Jean Richafort et Josquin Desprez – à travers 13 interprètes qui mêlent intimement chant(s) et danse(s).
Sans cesse en mouvement, de la lenteur à la course, en canon ou à l'unisson, ce corps commun – composé d'individualités aux capacités expressives remarquables, chacune dans son domaine de prédilection – se déploie dans l'espace avec une éloquence sensible saisissante. Réparti en cercles concentriques, au plus près de l'action polyphonique en train d'advenir, le public se trouve immergé dans le flux collectif continu et se lie tout du long à ses remous.
Foncièrement organique, traversée de bout en bout par le souffle intempestif du vivant, la pièce invoque – et même magnifie – l'absence par des états d'extrême présence au monde, comme des épiphanies qui surviennent et frappent en plein c(h)œur. Tendue vers l'au-delà, elle résonne intensément ici et maintenant.
À la fois farcesque et empreinte d'un profond sentiment du tragique, cette farandole cathartique s'inscrit dans le sillage des danses macabres du Moyen-Âge. Elle peut aussi rappeler La Table verte, illustre ballet expressionniste de Kurt Jooss créé en 1932, ' danse macabre en 8 tableaux et 16 danseurs ', ou, plus récemment, les exubérantes fantasmagories scéniques de Marlene Monteiro Freitas, par exemple Bacchantes – Prélude pour une purge.
François Chaignaud, à l'écriture chorégraphique, et Geoffroy Jourdain, à la direction musicale, prolongent et amplifient leur fertile dialogue artistique avec In absentia, nouvelle création imaginée à partir de leur première pièce en binôme, t u m u l u s (2022), déjà pour 13 interprètes.
Jérôme Provençal
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