Uun jour de janvier 1979....
' Un jour de janvier 1979, je peignais et la couleur noire avait envahi la toile. Cela me paraissait sans issue, sans espoir. Depuis des heures, je peinais, je déposais une sorte de pâte noire, je la retirais, j'en ajoutais encore et je la retirais. J'étais perdu dans un marécage, j'y pataugeais. Cela s'organisait par moment et aussitôt m'échappait. Cela a duré des heures, mais puisque je continuais, je me suis dit qu'il devait y avoir là quelque chose de particulier qui se produisait dont je n'étais pas conscient, étant trop habité par ce qu'était jusque-là le noir dans mes peintures précédentes. Cette chose nouvelle allait loin en moi pour que je continue ainsi jusqu'à l'épuisement. Je suis allé dormir. Et quand, deux heures plus tard, je suis allé interroger ce que j'avais fait, j'ai vu un autre fonctionnement de la peinture : elle ne reposait plus sur des accords ou des contrastes fixes de couleur ou de noir et blanc. Mais plus que ce sentiment de nouveauté, ce que j'éprouvais touchait en moi des régions secrètes et essentielles. En outre, ces peintures répondaient mieux encore à l'idée que j'ai de l'art depuis mes débuts '.( 1)
Pierre Soulages a largement raconté la journée de hasards l'ayant conduit à la création de l'Outrenoir, ce qui atteste l'importance que cette peinture a pour lui. Celle-ci représente aujourd'hui près des deux tiers de sa production artistique, ne cessant d'attiser la curiosité des visiteurs, avec le travail si particulier de la matière et de la lumière.
À sa création, le musée Soulages ne possédait dans sa collection qu'un seul Outrenoir : Peinture 324 x 362 cm, 1986, Polyptyque I. En 2024, le musée compte désormais 12 peintures Outrenoir, grâce aux diverses donations de Pierre et Colette Soulages ainsi que Karsten Grève. Venez expérimenter cette peinture dès à présent !
'1) Pierre Encrevé, Soulages. Peintures, Paris, Le Seuil, 2007, p. 217
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