Un moment de théâtre étonnant et détonant.
"C'était mieux avant ! Même si c'était pire !". Refrain que ces deux vieilles pourraient nous répéter à longueur de temps ! Dans un monde sans sucre ni gluten, régenté par une brigade sanitaire invisible mais omni présente, elles se plaignent, ne se supportent pas, se haïssent avec méchanceté... et finissent, assises sur leur chaise, par avoir "la nostalgie des blattes".
Obligées de "faire l'article pour attirer le client" dans ce qui pourrait être un éco-musée du vieux ou une foire aux monstres, elles exposent leurs flétrissures physiques à qui voudra bien les tâter. Mais personne ne vient. Il faudra attendre dans la rivalité et se supporter.
Pierre Notte, avec une écriture scalpel, va au fond des choses avec acuité et verdeur, humour et sensibilité. Jamais au théâtre, on a abordé avec autant de liberté le rapport d'une société avec son vieillissement. Tout y est, les naufrages physiques du grand âge, la maladie, la nostalgie, le tsunami des émotions, la déliquescence des liens sociaux ou familiaux.
Mais Pierre Notte nous rappelle qu'il n'est jamais trop tard pour se révolter face à une situation inéluctable qu'on voudrait édulcorer, cacher, balayer sous le tapis. "La vie trouve toujours une sortie".
Ce texte est stimulant, revigorant. Sans fards il aborde de front, mais avec tendresse et humour, cette question centrale d'une société trop souvent encline à vouloir "canceliser" les problèmes qu'elle ne veut pas voir.
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