Alors que le renouvellement urbain poursuit son cours dans la plupart des périphéries qu'on appelle historiquement ' les grands ensembles ', Guénaëlle de Carbonnières nous plonge dans le passé et le présent de Vénissieux.
Après une résidence de territoire de trois mois menée au printemps 2024 au Centre d'art Madeleine Lambert, elle a focalisé plus particulièrement son attention sur le plateau des Minguettes, en explorant son histoire sociale et humaine à travers les rencontres et l'architecture.
L'exposition est l'aboutissement de ses recherches à la fois historiques et plastiques. L'artiste présente de nouvelles œuvres, produites avec l'appui du Centre d'art et de ses ateliers, mêlant des pratiques contemporaines (le verre sérigraphié) à d'autres plus ancestrales (la gomme bichromatée, le sténopé). En utilisant les procédés photographiques analogiques, elle incorpore dans ses œuvres les matériaux de la ville moderne et notamment le verre et le béton, en adoptant une démarche expérimentale qui explore les techniques sans opposer industrie, création contemporaine et arts appliqués. Pour cette exposition, elle s'est adjoint la complicité de Mélanie Faucher, artiste et vitrailliste.
Le titre E VITRUM ET CONCRETO (de verre et de béton) sonne comme un programme-choc : celui de la construction et de l'étendue du plateau. Mais au-delà de la force évoquée par les matières du bâtiment et de leur affirmation très sculpturale dans l'espace urbain comme dans l'exposition, la fragilité affleure. L'artiste s'intéresse aux destructions, aux tours et aux barres retirées du paysage au fil des dernières décennies ou destinées à tomber prochainement. Dans les œuvres de Guénaëlle de Carbonnières, les matériaux sont isolés, retravaillés, mis à nu, morcelés et réagencés. Ils deviennent à la fois sculptures et supports, révélant des nuances délicates, inattendues et toute une poétique visuelle et muette arrachée à la ville.
Objets de transition urbaine, les immeubles des grands ensembles cristallisent aujourd'hui une certaine conception des formes bâties, des modes de vie, des besoins d'habitat, au-delà des fantasmes ou des images qu'on pourrait s'en faire. Ils affichent encore leur très paradoxale présence, celle d'une monumentalité vulnérable, qu'on retrouve ici sublimée par l'artiste.
Avec la collaboration de Mélanie Faucher.
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