Si Chostakovitch et Schnittke ont tous deux manié l'ironie pour supporter le joug du soviétisme, leurs quintettes témoignent d'un besoin d'écrire plus personnel. Des œuvres de la nuit, l'une légère, lyrique, l'autre peuplée de souvenirs et de regrets.
Schnittke raconte que sa mère appréciait peu sa musique. À sa mort, il voulut lui rendre hommage en écrivant une pièce qui aurait pu la satisfaire, son Quintette avec piano. Dès les premières mesures, l'hommage est poignant, avec un piano seul dans un silence étourdissant. Une valse un peu grinçante semble emplie de regrets. La danse se met à hurler, comme déformée par le temps passé. La passacaille finale, répétant son motif jusqu'à l'extinction, nous laisse impuissants face au temps qui s'écoule. Composé trois décennies plus tôt, le Quintette avec piano de Chostakovitch tente de renouer avec les formes du passé baroque et classique. Il valut à son auteur le prix Staline, ce qui rendit au musicien la parole après une période de censure. Après le prélude initial, la grande fugue offre une maîtrise si remarquable du contrepoint que, selon le pianiste Heinrich Neuhaus, elle plaçait Chostakovitch à l'égal de Bach. Le scherzo central assume gaîment son côté baroque et dansant. L'intermezzo est d'un lyrisme intense, inquiétant parfois avec ses basses sombres et détachées. Le finale apportera le soulagement.
|