Emmenez-les manger une frite plutôt que de les guillotiner. (François Ruffin, député français)
Ça va être chaud, baroque et doré, mais peut-être pas comme escompté… Ce soir à Versailles, se déroule une fête à laquelle toute la jet-set est conviée. Sous les coups de sifflet de la cheffe des domestiques et sous les plateaux chargés de nourriture, on court dans tous les sens. Le champagne coule à flot et les musicien·nes ont loué des costumes d'époque pour "l'authenticité".
Jusque-là rien de surprenant : surconsommation et privilèges sont au rendez-vous. Mais les musicien·nes se voient refuser par le vigile l'accès au château. Comble de l'entre-soi et de l'intimité, on exige que les artistes baroques restent confiné·es sur le parking, autour d'un micro, et que la musique soit retransmise de la sorte au château. Et pour couronner le tout, celles qu'on appelle les bonnes ne sont pas autorisées à abreuver les artistes assoiffé·es. Car ce soir, il fait particulièrement chaud pour la saison. Bâtie sur les marécages, Versailles est moite, prête à vaciller. Personne ne remarque les gouttes d'or (l'or de la statue équestre de Louis XIV) qui s'écrasent sur le sol du parking…
Changement climatique et parfum de révolution dialoguent dans ce semi-opéra à la fois loufoque et politique, pour le plus grand plaisir de nos sens, y compris le sens critique. Ça va déménager sur ce parking, car Sofia Betz a choisi de donner la parole aux coulisses de la fête, à la précarité et à la servitude. Et si l'assemblée de grands bourgeois préfère finalement entendre Titanic plutôt que Charpentier, c'est sans doute parce que Les plaisirs de Versailles du compositeur baroque raillent une classe sans cervelle et sans conscience du peuple qui gronde.
Et si ce soir c'était le Grand Soir ?
La gabegie des grandes fortunes et leur surconsommation outrancière, la complaisance politique à leur égard ne figurent-elles pas parmi les causes principales de l'envolée du dérèglement climatique? À notre époque, c'est presque un truisme que d'affirmer que lutte pour le climat et lutte des classes sont intrinsèquement liées. Alors, qu'attend-t-on pour faire la Révolution ? Dans notre histoire, les musicien·nes -outsiders, et middle class - sont probablement les mieux placé·es pour lancer cette Révolution mais iels se révèlent incapables d'en endosser la responsabilité. Accablé·es par un sentiment d'impuissance face au Monde et un manque d'expérience - on nous demande si peu souvent de gouverner ne fut-ce que nos vies - iels préfèrent s'en remettre au hasard et au temps. Effrayé·es à l'idée de quitter les lieux et de ne pas percevoir leur cachet, nos musicien·nes traînent aux abords du Château, sans se résoudre à partir.
Mélanger l'opéra baroque au labeur des Bonnes et à l'oisiveté comique des personnages. C'est le pari de Versailles, tout en contrastes pour mieux se/nous questionner, bercé·es par la beauté du chant baroque versaillais.
21, 22.11 · 20:00
Le Théâtre, place Communale, La Louvière
1h20
€ 19 · 15 · 10 · Art. 27
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