Sur scène, une plateforme blanche au sol, vingt-deux sièges vides et un homme, Viktor Černický. Va-t-on assister à une réunion de crise ? Une cérémonie ? Plutôt un projet à la croisée de la danse, du cirque et de la performance, où décomposition et recomposition se succèdent jusqu'à l'absurde. Aussi drôle que fascinant.
À le voir lutter sans fin contre un effondrement quasiment inéluctable, il nous évoque autant Sisyphe poussant son rocher qu'un chercheur légèrement obsessionnel en pleine expérience scientifique. Ou bien peut-être un démiurge solitaire réinventant indéfiniment son univers kafkaïen ? Sur une bande-son qu'il créé lui-même en tapant du pied en rythme – comme un hoquet corporel qu'il gardera tout au long du spectacle –, le jeune artiste tchèque s'efforce de bâtir, inlassablement, des pyramides improbables avec ses chaises de conférence. Alternant harmonie fragile et équilibre précaire, Viktor Černický fait alors danser les assises comme des corps, étrange chorégraphie se jouant de la gravité et qui transforme les objets les plus ordinaires en incroyables pièces d'architecture. Le rire n'est jamais loin, la poésie et l'éblouissement non plus. Celui qui a dansé avec Dominique Boivin et dans la compagnie Mossoux-Bonté signe ici un solo intelligent, lumineux et teinté d'ironie, entre vertiges physiques et questions existentielles. Car derrière l'humour et l'exercice de style se devine la métaphore élégante de l'inéluctable condition humaine – créer, détruire, reconstruire.
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